Déprime: la faute aux écrans?

Déprime: la faute aux écrans? Déprime: la faute aux écrans?

Santé- Les enfants qui regarderaient trop la télévision seraient davantage atteints de dépression. C’est la conclusion d’une récente étude britannique. Pour les experts, il vaut mieux limiter l’accès aux écrans que les supprimer. Et il faut opérer une distinction entre les écrans "interactifs" et ceux de télévision.

Les enfants déprimés ont moins de relations sociales que les autres, déclare Jean-Marie Gauthier, pédopsychiatre et professeur de psychologie de l’enfant et de l’adolescent à l’ULg. La socialisation par les activités sportives ou ludiques diminue le phénomène de dépression, alors que la télévision qui laisse l’enfant seul face à l’écran l’accentue."

La dépression est une réaction face à une situation de conflits difficiles à résoudre. Quand la réaction devient permanente, elle se transforme en maladie qui peut avoir des conséquences sur le sommeil et l’alimentation. "Le plus important pour éviter une dépression est de garder un bon rythme nycthéméral, l’équilibre entre sommeil de nuit et éveil de jour, explique Jean-Marie Gauthier.

La consommation d’écran ne doit pas être trop excessive, néanmoins, la supprimer n’est pas la solution. "L’écran fait partie du monde. Il vaut mieux en limiter l’accès que le supprimer. Il faut instaurer une transition, par exemple en demandant à l’enfant d’éteindre l’écran dans les 10 minutes. L’enfant a besoin de ce temps pour revenir les pieds sur terre, expose Jean-Marie Gauthier. Pour ce qui est de contrer la dépression, les parents sont censés jouer un rôle actif auprès de leurs enfants. Rencontrer des amis et faire des tours à vélo semble donc le bon compromis."

Corrélation, pas synonyme de cause

"Les études qui essayent d’établir un rapport de cause à effet entre un média et un trouble sont souvent controversées, car elles sont difficiles à mener, explique François Heinderyckx, professeur de sociologie des médias à l’ULB. Il est très compliqué de passer d’un constat de corrélation à une discussion de causalité."

Il faut donc être prudent avec ce genre d’enquête qui accuse parfois trop rapidement la technologie. "Si vous trouvez un lien entre la télévision et la dépression, vous pouvez en émettre l’hypothèse : un enfant qui regarde la télévision a plus de probabilités d’être dépressif. Mais vous devez également imaginer que le rapport cause-conséquence soit inverse : un enfant en dépression a plus de probabilités de regarder la télévision. Il est donc très complexe de savoir quelle cause est la conséquence de l’autre", note François Heinderyckx.

Beaucoup de travaux montrent qu’il existe un état spectatoriel. Lorsque que nous regardons un film, l’action est presque réduite à néant.

"Quand quelqu’un s’ennuie et voit un écran allumé, il va très souvent le regarder. Un des reproches attribués à la télévision est le fait qu’elle mette le téléspectateur dans une situation hypnotique, raconte Thierry Desmedt, spécialiste des enjeux éducatifs des médias, notamment des nouveaux médias, à l’UCL. Le rapport à l’écran nécessite une bonne santé mentale, même si la télévision reste d’une excellente compagnie. Tout est une question d’équilibre."

Des médias interactifs moins passifs

Si les enfants utilisent les médias interactifs, ils ne sont pas dans la même sorte d’écran. "Tisser des liens communautaires, ce n’est pas dépressif, selon Thierry Desmedt. Les gens qui jouent ensemble aux jeux vidéo, par exemple, se coordonnent. Ils ont un rapport à l’écran qui est différent."

Aujourd’hui, certaines enquêtes ont montré qu’un média comme Facebook engendrait la dépression, car l’utilisateur aurait tendance a croire que tous les gens sont heureux, sauf lui. Pour François Heinderyckx, les nouvelles technologies ont toujours fait l’objet d’inquiétude. "Beaucoup de chercheurs s’interrogent sur les effets prolongés aux médias. A chaque époque, une inquiétude sociétale a vu le jour. Ce fut le cas notamment avec le roman et surtout avec le cinéma."

La corrélation entre jeux vidéo et violence a souvent fait l’objet d’études. "Dans le monde virtuel, le désir n’a pas de limite, explique Jean-Marie Gauthier. Il est parfois difficile pour certains de passer de la facilité virtuelle à la difficulté de la vie réelle."

Les spécialistes ne nient pas qu’il existe un lien entre dépression des enfants et écran de télévision. Mais attention à la mauvaise interprétation qui pourrait fausser la donne.

 

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Dernière modification le lundi, 03 avril 2023 09:35