Le vin sera-t-il le futur atout touristique de la Tunisie ?

En Tunisie où le tourisme vit une période difficile, Mohamed Ben Cheikh veut croire en des jours meilleurs: «notre pays est riche en produits du terroir», plaide-t-il depuis les hauteurs de son domaine. Parmi ces atouts, le vin, culture «ancestrale» en plein renouveau.

Pendant des décennies, la Tunisie s’est appuyée sur un tourisme de masse quasi exclusivement balnéaire. Mais l’instabilité née de la révolution de 2011 et plusieurs attentats jihadistes ont entraîné une profonde crise, amenant à réfléchir à une diversification.

 

Oenotourisme et route des vins

Parmi les pistes étudiées, celle de l’oenotourisme. «Le vin est un produit haut de gamme qui peut parler du terroir, de l’histoire. C’est un moyen de faire la promotion de la Tunisie», assure à l’AFP M. Ben Cheikh, président de la Chambre syndicale des producteurs de boissons alcoolisés.

A la tête du domaine Neferis, à Grombalia (40 km au sud de Tunis), où les collines toisent la Méditerranée au loin, il travaille à la création d’une «route des vins», «alternative au tourisme classique», qu’il veut mettre à la disposition des opérateurs dès l’an prochain. «Notre pays est riche de sites archéologiques et produits du terroir. On peut créer un tourisme culturel», affirme-t-il.

 

Du vin depuis 2.800 ans

La Tunisie, dont la population est en majorité musulmane, est considérée comme l’un des pays les plus libéraux du monde arabe et «produit du vin depuis au moins 2.800 ans», rappelle-t-il. «Carthage était le grenier de Rome mais aussi son cellier. Elle a connu un grand agronome, Magon, le premier à avoir laissé des traités viticoles », fait-il valoir.

De Tunis à la péninsule du Cap Bon (nord-est), au milieu des oliviers centenaires, le projet prévoit d’associer visites archéologiques et découvertes œnologiques. Et ce second point pourrait bien en constituer la principale surprise.

Après un déclin post-indépendance -en partie lié à des mesures européennes de «préférence communautaire», selon Belgacem D’Khili, l’un des piliers du secteur viticole en Tunisie-, la viticulture tunisienne est parvenue à renaître à la fin des années 1990. L’Etat promeut alors la reprise des terres domaniales en association avec des étrangers. La démarche débouche sur sept «sociétés de mise en valeur de développement agricole».

 

Sept Appellations d’origine contrôlée

Vingt ans plus tard, le pari est plutôt réussi. Le vin tunisien, qui s’appuie sur de vieux cépages comme le carignan, voit pousser de nouvelles vignes de chardonnay, viognier ou verdejo. Il compte sept Appellations d’origine contrôlée (AOC). Pour cela, «il a fallu investir dans de nouvelles technologies, du refroidissement durant la fermentation aux cuveries à température contrôlée », relève Rached Kobrosly, responsable qualité au domaine Neferis.

Au milieu des 450 hectares de vignoble, en ces derniers jours de vendanges, il assure que ses 1,2 million de bouteilles produites chaque année soutiennent désormais la comparaison à l’international.

M. Kobrosly en est dès lors persuadé: le vin tunisien, qui s’écoule pour l’heure essentiellement sur le marché local -à hauteur de 32 millions de bouteilles à l’année- a «de très fortes chances de pouvoir s’exporter».

 

Un problème d’image

Les chiffres restent toutefois modestes. Si les revenus du secteur atteignent 80 millions d’euros par an -et représentent une manne de 25 millions d’euros en recettes fiscales- la part des exportations ne dépasse pas 10 millions d’euros.

La faute à une surface limitée à l’échelle nationale (15.000 ha), mais aussi à une absence de politique marketing. «Le problème avec le vin tunisien n’est pas qu’il a une mauvaise image. Il n’en a aucune!« , résume Rached Kobrosly.

«Pour renforcer son attractivité touristique, il faudrait relancer l’événementiel autour des vendanges, des caves« , avance Tahar Ayachi, journaliste spécialisé dans le patrimoine et le tourisme. «Il fut un temps où on célébrait les récoltes, où on pressait le raisin sur les places des villages ».

Longtemps responsable des «Vignerons de Carthage», une coopérative qui avait le monopole avant la restructuration du secteur dans les années 90, Belgacem D’Khili parle d’un travail «de longue haleine». Mais «avec la révolution (qualitative) des 20 dernières années, on a les atouts pour réussir», estime-t-il.

Associé à la promotion du domaine Shadrapa, sur les rives de l’oued Medjerda (70 km à l’ouest de Tunis), M. D’Khili croit aussi au potentiel touristique du secteur viticole: «Nous sommes à proximité d’un des plus beaux sites archéologiques, Dougga, et on travaille sur un circuit avec maisons d’hôte sur le domaine ». La viticulture «est un secteur d’avenir qui apportera de la valeur ajoutée« , assure-t-il.

 

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