Journalistes tués au Mali : réunion de crise à l’Elysée

Touwensa (Agences)- Mokhtar TRIKI

La réunion de crise avec le président François Hollande qui se tenait dimanche matin à l'Elysée, au lendemain de la mort de deux français enlevés et tués au Mali, s'est achevée peu avant 10h30, a constaté une journaliste de l'AFP.

Les envoyés spéciaux de RFI et ont été enlevés samedi à Kidal dans le nord du Mali par des hommes armés et retrouvés par l'armée française à une douzaine de kilomètres de Kidal.

La ministre de la Justice, Christiane Taubira, et le directeur général de la sécurité extérieure (DGSE), Bernard Bajolet, sont sortis de l'Elysée sans faire aucune déclaration. Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, est resté à l'Elysée.

Une délégation  conduite par sa PDG, Marie-Christine Saragosse, est aussitôt arrivée après la réunion pour être reçue par François Hollande. Elle comprend la directrice de la rédaction, Cécile Mégie, et le chef du service Afrique, Yves Rocle.

Exprimant "son indignation à l'égard de cet acte odieux", le président de la République avait annoncé samedi cette réunion "pour établir précisément, en lien avec les autorités maliennes et les forces de l'ONU, les conditions de ces assassinats".

Les trois points à l'ordre du jour de la réunion étaient un échange d'informations sur ce qui s'est passé, l'examen des suites judiciaires à cet assassinat et le point sur la force Serval au Mali, selon un conseiller de l'Elysée.

"Indignation à l'égard de cet acte odieux"

La ministre de la Justice participe à cette réunion car le parquet de Paris a ouvert samedi une enquête samedi pour des faits d'enlèvement et séquestration suivis de meurtres en lien avec une entreprise terroriste.

L'enquête, sous l'autorité du parquet de Paris, a été confiée à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) et à la sous-direction antiterroriste (SDAT).

Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, en voyage au Mexique, est représenté à cette réunion par son directeur de cabinet, Cédric Lewandowski. Le directeur de cabinet du Premier ministre, Christophe Chantepy, et le directeur de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure), Bernard Bajolet, font également partie des participants.

Samedi, à l'issue d'un entretien téléphonique entre François Hollande et son homologue malien Ibrahim Boubacar Keïta, les deux chefs d'Etat avaient "marqué leur volonté de poursuivre sans relâche la lutte contre les groupes terroristes qui restent présents au Nord du Mali", avait indiqué l'Elysée dans un communiqué.

"Les meurtres odieux commis aujourd’hui à Kidal ne peuvent que renforcer la détermination des deux Etats à poursuivre et à remporter ce combat commun contre le terrorisme", avaient-ils ajouté.

Les circonstances précises de la mort des deux journalistes restaient inconnues dimanche matin.

Peu avant l'annonce de leur décès par Paris, des sources militaires et sécuritaires au Mali avaient annoncé leur enlèvement à Kidal, rapidement confirmé par RFI.

Selon RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont été enlevés par des hommes armés à 13H00 (heure locale et GMT) devant le domicile d'Ambéry Ag Rhissa, un représentant du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA, rébellion touareg) qu'ils venaient interviewer.

Des ravisseurs "enturbannés" et parlant la langue touareg

Selon son témoignage cité par RFI, M. Ag Rhissa a vu les ravisseurs, qui étaient "enturbannés et parlaient tamachek", la langue des Touareg.

Interrogé par l'AFP, le porte-parole de l'état-major de l'armée française, le colonel Gilles Jaron, a déclaré que la force Serval, alertée sur l'enlèvement des deux journalistes, avait immédiatement envoyé une patrouille et deux hélicoptères pour tenter de repérer leur véhicule.

"Les corps sans vie des deux journalistes ont été retrouvés par la patrouille au sol vers 14h55 locales (...) à une douzaine de kilomètres à l'est de Kidal à proximité d'un véhicule à l'arrêt", a-t-il dit.

Les deux journalistes se trouvaient en reportage à Kidal pour une opération spéciale de RFI au Mali prévue jeudi prochain. C'était leur deuxième mission dans cette ville, fief touareg en partie contrôlé par les rebelles. Ils s'étaient déjà rendus à Kidal en juillet pour couvrir le premier tour de l'élection présidentielle.

La PDG de France Média Monde, groupe auquel appartient RFI, Marie-Christine Saragosse, a déclaré à l'AFP: "On a eu Ghislaine ce matin, cela se passait bien."

"On savait qu'elle rencontrait un leader du MNLA, Ambéry Ag Rissa. En sortant, il a entendu des coups de crosse portés sur le véhicule de nos reporters. Il a vu les ravisseurs emporter nos journalistes dans un 4X4 beige. Ils ont forcé le chauffeur (de la voiture RFI) à se mettre à terre. Il a entendu les deux journalistes résister et protester. C'est la dernière personne qui témoigne les avoir vu vivants", a-t-elle raconté.

Emissions spéciales Mali annulées

Ghislaine Dupont, 57 ans, était une journaliste expérimentée spécialiste de l'Afrique à RFI depuis des années. Claude Verlon, technicien, 55ans, connaissait également bien ce continent. Ils étaient déjà allés faire des reportages à Kidal à l'occasion du premier tour de la présidentielle du 28 juillet au Mali.

Selon une source gouvernementale française, "il y a quelques jours, les deux journalistes avaient demandé à être transportés à Kidal par la force Serval, ce qu'elle avait refusé, comme elle le fait depuis un an, en raison de l'insécurité dans cette zone". Mais, selon cette source, "ils ont profité d'un transport de la Minusma (la Mission de l'ONU au Mali), qui continue à accepter des journalistes".

Kidal, situé à plus de 1.500 km au nord-est de Bamako, est le berceau de la communauté touareg et de sa rébellion du MNLA. Des accrochages s'y étaient produits entre rebelles et soldats maliens fin septembre.

Le nord du Mali, occupé en 2012 par des islamistes armés liés à Al-Qaïda après une nouvelle rébellion lancée par le MNLA et un coup d'Etat à Bamako, reste très instable en dépit d'une intervention internationale armée lancée par la France en janvier et toujours en cours pour traquer les jihadistes de la région. Les attentats et attaques islamistes s'y sont multipliés depuis un mois à l'approche d'élections législatives dont le premier tour est prévu le 24 novembre.

Le Haut conseil pour l'unité de l’Azawad (HCUA), un groupe de notables touareg de Kidal, a condamné "avec la dernière énergie l’assassinat", dans un communiqué transmis à l'AFP. Le MNLA a dit "mettre tout en œuvre pour identifier les coupables" et a condamné ces crimes "avec toute la rigueur" possible.

L'association Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé "un acte innommable et révoltant". Le Syndicat national des journalistes (SNJ) a insisté sur "le prix payé par certains pour que le public soit informé au plus près des événements."

 

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