La Suède, le pays où il fait bon vieillir.

Touwensa (Agences). Mokhtar TRIKI.                

L'ONU a mis au point un nouvel indicateur permettant de mesurer la gestion du vieillissement de la population d'un pays. Si la Suède se place en élève modèle, la France fait partie des cancres de l'OCDE.

Nous ne sommes pas tous égaux face au vieillissement. Passer ses vieux jours en Suède ou en Russie ne garantit pas les mêmes conditions de vie. L'ONU a mis au point un nouvel indicateur, le Global Age Watch, à la fois pour «prendre en compte les différentes dimensions de la qualité de vie et du bien-être des personnes âgées et fournir un instrument de mesure de la performance [des politiques sociales]».

Le GAW réunit 13 critères au sein de quatre domaines-clé: la sécurité des revenus, la santé, l'emploi et l'éducation et enfin l'environnement. Le premier classement réalisé grâce à cet indicateur a placé la Suède en tête des pays qui gèrent le mieux le vieillissement de leur population. La Norvège et l'Allemagne complètent le podium, avec des scores dépassant les 89 points sur 100.

Ces bons résultats ne doivent rien au hasard. «Les pays en tête ont fait de gros efforts depuis longtemps, analyse Anne-Marie Guillemard, professeur émérite de sociologie à Paris-Descartes et spécialiste du vieillissement. Les bons résultats de la Suède en termes de sécurité des revenus est une conséquence directe de sa réforme des retraites qui porte aujourd'hui ses fruits.» Les champions de l'accueil des seniors combinent deux facteurs de réussite: «un Etat-providence modernisé» et «une offre très complète de services aux seniors».

«La sécurité des revenus n'existera plus pour les générations à venir»

Anne-Marie Guillemard, professeur de sociologie

La France se classe, elle, à la 18e place. Sur les 91 pays pris en compte par l'indicateur, ce n'est pas si mal. Mais encore insuffisant. D'autant que les points forts de l'Hexagone risquent de ne pas faire long feu. Le pays est très bien classé (2e) pour la sécurité des revenus des seniors, paramètre qui prend notamment en compte... le pourcentage de la population qui a accès à une retraite avant 65 ans. Or, le recul de l'âge de départ à la retraite et l'allongement de la durée de cotisation vont faire baisser le niveau des retraites et affaiblir les atouts français dans le domaine. «La sécurité des revenus existe au temps T mais pas pour les générations à venir», prévient Anne-Marie Guillemard.

Les transports publics, les liens sociaux et la possibilité d'exercer des droits civiques constituent les autres points forts du pays. Mais ils ne compensent pas un retard certain dans les services offerts aux personnes âgées et un parcours de soins trop «fragmenté» selon la sociologue. «En France, le sanitaire est géré à part du social. Il faudrait que les deux sphères se coordonnent pour limiter la perte d'autonomie», explique-t-elle. De plus, l'assurance-dépendance proposée en France est trop restrictive par rapport à celles proposées en Allemagne ou au Japon, tous deux bien classés (respectivement 2e et 10e). «La charge des personnes âgées pèse sur les proches et la famille. L'aide au vieillissement ne relève pas des institutions.»

L'emploi des seniors, problème structurel de l'Hexagone

Autre problème majeur pour l'Hexagone: l'emploi des seniors, toujours en berne. Selon le GAW, seuls 39,7% des 55-64 ans occuperaient encore un emploi. Un résultat bien loin des  70,5% affichés par la Suède. Et s'il n'est pas possible d'importer telles quelles les recettes de l'élève modèle européen, la France a encore des efforts à fournir pour limiter la discrimination par l'âge. «Les problèmes d'emploi se situent aux deux extrémités de l'échelle d'âge, pour les jeunes et les seniors. C'est parce que les politiques nationales favorisent les âges médians en encourageant la discrimination par l'âge», explique Anne-Marie Guillemard.

La France ne peut donc plus miser sur ses atouts vacillants pour compenser des défauts structurels. Anne-Marie Guillemard estime ainsi que si «les retraites sont plutôt généreuses par rapport à d'autres pays», la France compte trop sur ses solutions d'hébergement, sans prendre en compte le désir d'autonomie des personnes âgées. «Nos maisons de retraite inspirent beaucoup de pays mais nous ne pouvons pas faire face au vieillissement de la population uniquement avec des institutions...» Le pays doit ainsi encore ajuster ses systèmes d'aide financière et pratique aux seniors si elle veut grimper dans le classement de ce nouvel indicateur.
 

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